top of page
Rechercher
Photo du rédacteurLa noctambule

Paradis perdu


Demain, je vais retourner au cégep après 10 jours de convalescence COVID. Il y a toujours deux petites lignes rouges sur mon test, mais le protocole prévoit que nous rentrions en classe malgré cela.

La porte qui s’ouvre devant moi ne donne pas sur le balcon humide, ni sur le trottoir encore jonché de neige sale, mais sur une terrasse marocaine où plonge le soleil et où le vent doux vous frôle la joue. Parfois, je me demande pourquoi j’ai quitté ce climat si agréable pour venir me lancer dans les bras d’un enfer froid.


Il y a quelque chose dans la brise, dans la clarté de la lune, dans l’odeur nocturne du Misk-al lail (jasmin de nuit) qui vous ravit le cœur à tout jamais. Ces sensations sont irremplaçables et on aura beau brandir des bonhommes de neige, agiter des grelots et faire tourner Vive le vent…, ma mémoire affective, celle qui m’entortille les tripes, celle qui illustre le plus clair et le plus puissant de mon passé est en grande partie ailleurs, même si cet ailleurs a duré moins longtemps que le temps écoulé depuis mon retour.


Il m’est déjà arrivé de sentir qu’on m’adressait de légers reproches liés au fait que je ne suivais pas la horde… Il est vrai qu’il m’a fallu du temps avant de me remettre à la littérature de chez nous, avant d’y retrouver mes marques et de l’intérêt. Après tout, j’ai été longtemps chez moi une étrangère. On en met du temps à revenir. Mais revient-on ?


Cette sensation sur la terrasse, le soleil, le vent a été déclenchée par une photo publiée tout à l’heure par une amie marocaine où l’on voit ses chiens sur un de ces carrelages extérieurs, si particuliers au Maroc. La lumière y vibre. Le jardin éclabousse déjà de vert. Cela est pour moi la promesse d’un retour prochain, le premier depuis le confinement planétaire.


Tel est pour toujours mon paradis perdu dans lequel mord ma nostalgie d’une vie rythmée par des rituels, celui du thé, ou celui du ramadan, mais aussi par la venue au monde des enfants, la présence de l’homme aimé et les amitiés profondes et durables qui s’y sont nouées. Par les choses qui comptent vraiment.


Écrit à Montréal, dans le luisant et bienfaisant soleil d’avril.





Isabelle Larrivée


Photo: Jasmin de nuit, https://fr.wikipedia.org/wiki/Cestrum_nocturnum

40 vues1 commentaire

Posts récents

Voir tout

1 Comment


Daniel Guénette
Apr 02, 2023

On dirait que le premier paragraphe est un rêve (mauvais : car je te croyais à la retraite et souvent il m'arrive, à moi qui le suis, de rêver que je retourne en classe, et les choses ne se passent pas toujours très bien : je dois donner un cours que je n'ai pas préparé, croyant que j'aurais à en donner un autre ; ou encore, je me trompe de local ; ou les lieux ont tellement changé depuis mon départ que je ne sais plus comment sortir du labyrinthe où je m'enfonce, etc.). Puis, après ce rêve, ou toujours dans ce rêve, ce n'est plus la réalité de la neige sale, mais le retour au pays que tu as…


Like
bottom of page