Le voyage flou I- Je partis jadis (genèse)
- La noctambule

- 26 mai
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 juin

Un jour, je quittai ma terre natale, telle une Ulysse de banlieue, pour entamer une aventure étrange, quelque part où je ne connaissais personne, dans un lieu à la musique insolite et aux traditions mystérieuses.
J’ignorais ce que je trouverais là, mais le simple fait d’être dans un ailleurs absolu rendait possible la découverte de quelques pépites de vie cachées et déchiffrables. On n’habite pas dans un monde imprécis pour soi sans être en permanence en quête de sens, sans avoir l’intention désintéressée de saisir les codes pour mieux vivre avec les humains qui nous entourent.
Cette recherche était semblable à celle que je menais dans le fouillis de mon histoire. J’avais trente ans, l’âge où il faut se résigner à franchir le pas qui nous mènera vers le monde, mais qui nécessitera de rompre avec le temps de l’insouciance. Un moment capital d’hésitation et de violence. Il me fallait me projeter à l’extérieur de moi-même, sans doute aussi pour m’éviter toute découverte qui aurait pu s’avérer stupéfiante ou trop brutale. Une fuite? Au fond, je ne sais pas. Je me cherchais des raisons de comprendre, sans pouvoir alors distinguer l’intérieur de l’extérieur, l'aujourd'hui de l'hier.
Mais entre les deux, le risque d’errance me guettait sans cesse. Me perdre était la menace et la gageure. J’avançais à l’aveugle, l’alternance circadienne pour seul guide. Dans le dédale des rues de ma ville d’accueil flottaient des odeurs de fruits et de lait sur que les marchands de jus répandaient, le parfum nocturne du musk el lill (مسك الليل) et les délicates exhalaisons de jus de poubelle formant des coulisses contre les trottoirs, à l’angle du macadam. Et tout cela finit par faire partie de ma vie.
À cette époque, le Maroc cessa d’être une destination voyage ou une visite. Il devint mon chez-moi, mon terreau renouvelé et mes radicelles soigneusement entretenues. S’ajoutèrent à cela la suite et la conclusion de mes études, l’amour d’un homme et la venue de mes enfants : je me suis métamorphosée en captive consentante et heureuse. Et ce pays ne cessa de me livrer, longtemps après l’avoir quitté, les signes prompts à nourrir une nostalgie profonde et féconde.




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