17 décembre 2017
La dernière analyse littéraire de la session est terminée. Tout le monde s'agite et ramasse ses affaires. Les « Au revoir, madame, merci pour la session ! » fusent.
Je m’occupe à empiler les copies, à égaliser le paquet et à passer un élastique autour. Dans mon sac, deux autres piles semblables sont rangées. Mon travail à moi ne fait que commencer.
Cette classe était très sympathique. Pendant la session, un petit groupe s'était mis à m'interpeller en disant « Hello, MAdame » « Comment ça va, MAdame », mettant l'accent tonique sur « MA». Apparemment, ils se connaissaient bien. Ils s’assoyaient toujours ensemble, faisaient des blagues et riaient, mais ils restaient attentifs pendant le cours. Peut-être étudiaient-ils dans le même programme.
Nabil fait partie des étudiants que j’appelle « retour à l’école ». Ce sont des étudiants qui ont travaillé après le secondaire et qui choisissent de revenir aux études. Ils sont généralement un peu plus vieux, motivés, savent pourquoi ils sont là, et travaillent bien. Mais Nabil est un gars fragile, il se sent rouillé face aux études. Il m’a l’air souvent inquiet devant les consignes et le travail à réaliser.
Mi-novembre, il me dit qu’il veut me parler. On va dans mon bureau. Il éclate en sanglots. On parle un peu, je pense qu’il est candidat à la dépression, mais ce n’est pas à moi de faire des diagnostics. On contacte ensemble le travailleur psychosocial qui l’attend. Nabil sort de mon bureau en trainant les pieds et en reniflant. « Merci, Madame. » Je ne le reverrai pas.
Dans ce groupe se trouve un autre garçon, Ronaldo. Un grand échalas, sourire étampé aux lèvres, enclin à l'échange. Parfois, avant ou après le cours, il fait quelques pas de danse. Inusité! Sa bonne humeur se répand dans la classe.
Pendant que je mets la pile de copies dans mon sac et que les derniers élèves sortent, je remarque que Ronaldo reste près de la porte.
« As-tu oublié quelque chose ? » Il me regarde, son sac sur le dos. Il a un air sérieux que je ne lui connais pas. Tellement sérieux qu'il m'inquiète.
« Il y a quelque chose, Ronaldo? »
« Non. Juste vous dire au revoir, madame, et merci pour tout. »
Je le regarde, son sourire est pâle. Il est ému. Et il m'émeut.
« Au revoir, Ronaldo. Merci pour la session. »
Isabelle Larrivée
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